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Picastars
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Au tout début, il y avait le désir d'ouvrir les enfants à la richesse de la musique, dans toutes ses sonorités et toutes ses diversités. Les 22 chansons du disque sont simples et légères, parfois connues, afin que la compréhension des paroles ne gêne en rien l'émotion. Les mélodies nous entraînent dans une balade autour du monde, embrassant les rythmes et les harmonies des 5 continents : tour à tour classique ou jazzy, blues, rock ou hindoue, asiatique, africaine, ou encore sud-américaine, de cirque, musette, arabe, irlandaise… les airs de Picabou forment une mosaïque colorée initiant l'enfant aux musiques et aux instruments du monde.

Chaque chanson est interprétée par un enfant (et non par un adulte, ou par un groupe d'enfants chantant ensemble ou à tour de rôle). Les petits auditeurs, j'en suis convaincu, y sont sensibles et s'approprient les univers créés d'autant plus vite. Ainsi, sans exclure l'adulte, Picabou construit un monde entre enfants. D'ailleurs lorsqu'un mot leur échappe, ils se tourneront instinctivement vers d'autres petits auditeurs plutôt que vers un adulte.

Mais, avec l'incrustation de bruitages, les chansons prennent soudain du relief et deviennent de véritables petits univers indépendants. Les effets sonores offrent aux chansons une touche réaliste et rigolote qui les font vivre. Le bruit évoque de manière saisissante ce qui le provoque, tout simplement parce que notre quotidien nous a habitués à reconnaître ce que notre œil ne voit pas : on n'a pas besoin de se retourner pour comprendre que le bruit de verre explosant sur le carrelage, c'est encore Popol qui fait des siennes (ceci dit, on va s'retourner quand même, pasque faut vite balayer tous les débris avant que Popol ne saute de sa chaise pour se lancer dans son numéro de fakir/hôpital). De même, un enchaînement de bruits incite l'auditeur à se représenter une scène imaginaire. Aussi, Picabou peut rappeler la bande originale d'un film, mais sans les images, ce qui est essentiel quant au rôle évocateur des effets spéciaux : ils donnent à déduire, à compenser le manque d'images, bref à imaginer. Et pourtant, comme les chansons ne sont que sonores, elles permettent à chacun de construire ses propres images. Pipasol, Bateau ou La Sorcière par exemple vous inviteront à vous figurer les personnages et les situations que les chansons suggèrent de manière forcément personnelle et différente de votre voisin. En cela, Picabou donne à voir comme un livre peut le faire.

Les paroles de chansons pour enfants restent le plus souvent, avouons-le, assez plates. Cela paraît somme toute parfaitement normal, si l'on considère la si courte expérience de vie de ces petits êtres qui nous côtoient. Cependant, une chanson pouvant aussi être une occasion de développer l'intelligence et la sagacité, il m'importait d'apporter une dimension plus intellectuelle. Ne pouvant approfondir le propos sans risquer d'atténuer l'émotion, Picabou joue sur le contraste et la surprise, encourageant l'enfant à transposer et à établir des liens entre ce qui n'en a apparemment pas. Apprendre à créer des liens ou à transposer est une gymnastique intellectuelle qui ouvre l'esprit. C'est aussi de là que naît la poésie : un mot devient poétique lorsqu'il est employé (et ainsi revivifié) pour désigner ce qu'il ne désigne pas ordinairement. Bon, des exemples : si le bruitage souligne parfois les paroles, il peut tout aussi bien en prendre le contre-pied, créant un contraste inattendu ou enrichissant. C'est le cas pour Mon Petit Lapin ou Comptine. Parfois c'est le genre musical qui est porteur de contraste : le Père Noël, personnage si occidental et commercial, s'envole sur une musique arabe, l'idée sous-jacente étant de tirer parti de l'univers du conte et du rêve qu'évoque l'orient (Les Mille et Une Nuits). Il y a transposition avec Tapette où le jeu de la barbichette devient la scène de duel d'un western spaghetti, ou avec les deux Bras en l'air, où les gestuelles enfantines rappellent tour à tour la direction passionnée d'un chef d'orchestre, ou les mouvements ondulatoires des bras de Shiva.

Enfin (et j'en suis particulièrement heureux), ce qui véritablement humanise le disque sont les commentaires que font Arthur et Marie sur la chanson même qu'ils interprètent. Dans Happy Birthday par exemple, la chanson bien connue est théâtralisée par les remarques de Marie s'adressant à sa peluche (« Tu danses ? », « N'oublie pas d'faire un vœu, hein ? » etc…). Avec La Sorcière ou Pin-Pon, les chansons se muent en scènettes où les interprètes se mettent à vivre de l'intérieur la chanson qu'ils interprètent. Avec La Galette, l'effet est on ne peut plus explicite, puisque Marie joue le rôle de spectatrice du film qu'Arthur, conteur/chanteur, relate. Ces intrusions spontanées sont autant de ponts entre l'interprète et l'auditeur, et établissent une sorte de complicité rassurante et chaleureuse.

Mais, au bout du compte, ce qui m'importait plus que tout, c'était de composer de belles musiques, assez légères pour enchanter et assez profondes pour émouvoir. J'aime particulièrement (booâ, un ptit coup d'autosatisfaction, faut pas m'en vouloir), le dernier thème d'Un Petit Chinois, les codas lyriques d'Ouvre Grand ou Hanneton, l'envolée dramatique de Bateau sur l'eau, ou les 'tites mélodies plus subtiles de La Galette. Ah et puis Mondo ! aussi (mais là, j'pourrais vous en écrire des pages et vous n'avez pas forcément le temps). Chaque fois que je travaille sur l'une des chansons, je suis surpris à quel point elle est organique. J'ai l'impression (vous allez m'prendre pour un allumé du lampion, mais j'vous assure que je n'fais qu'essayer d'être sincère) que c'est un petit être qui existe, qui parle et marche tout seul, et que je ne fais qu'habiller pour qu'il ne prenne pas froid. Pieds du clown

Quoi qu'il en soit, et j'aurais probablement dû commencer par là, ma plus grande joie reste la réaction des enfants à l'écoute du disque. Tiens, si vous en avez un entre 2 et 8 ans à portée de vue, tendez lentement la main vers l'épuisette, attrapez-le, et donnez lui à écouter Pin-Pon, Pipasol, La Galette ou la Sorcière… Et observez attentivement ses réactions. Pour peu qu'il soit accompagné d'un autre indigène de son espèce, je ne serais pas surpris qu'ils se mettent à jouer la scène qu'ils entendent.

Allez, donnez-lui donc à écouter, et vous verrez...